Déclin de la biodiversité, nous pouvons y remédier

21/05/2021

 

 

Mourad Briki
Coordinateur du département veille et prospective
Observatoire du Sahara et du Sahel

 

 

 

Un million d’espèces animales et végétales se trouvent actuellement dans l’antichambre de l’extinction


Au cours des 500 dernières années, la terre a connu 5 extinctions de masse, venues à bout de près de 90% des espèces existantes.

Il est évident que l’apparition et la disparition de toute espèce obéissent à la loi de la nature, les cataclysmes naturels aidant. Ce qui n’est pas évident, par contre, c’est la cadence effrénée que ce phénomène d’extinction a pris depuis la révolution industrielle et plus particulièrement au cours des 50 dernières années. 

Ce que nous vivons actuellement effraie le plus optimiste d’entre nous… En se multipliant par cent (voire mille), la vitesse, à laquelle les animaux et les végétaux s’éteignent, est passée en mode accéléré.

Depuis 1900, l'abondance des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué de 20% en moyenne. Quelques 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le XVIe siècle ainsi que plus de 9% de l’ensemble des races domestiquées de mammifères utilisées pour l’alimentation et l’agriculture, en 2016 (IPBES1, 2019). 

Pire encore, nos connaissances actuelles n’ont inventorié que près de 8 millions d’espèces faunistiques et floristiques. Les plus petites et les plus enfouies dans les terres et dans les océans demeurent toujours inconnues ; et il se pourrait même que certaines d’entre elles aient disparu avant même que nous ayons eu conscience de leur existence. 

Nonobstant ses facultés d’adaptation et de création, l’espèce humaine appartient à la famille des hominidés. Par conséquent, sa vie et sa survie dépendent étroitement de ses interactions avec son milieu mais aussi avec tous les êtres vivants des règnes végétal et animal.

Voyant leur nombre se multiplier par deux, depuis 1970, les êtres humains se sont lancés dans une course folle et sans fin pour assouvir leurs besoins vitaux et... facultatifs.  

Le rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques, produit par l’IPBES en 2019, avance que 1) plus d'un tiers de la surface terrestre et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage, 2) La valeur de la production agricole a augmenté d'environ 300 % depuis 1970, 3) La dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale, 4) Les zones urbaines ont plus que doublé depuis 1992 et 5) La pollution par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980…

Une augmentation de la température de 3,5 °C à l’horizon 2100, causée par une industrialisation exponentielle, pourrait provoquer l’extinction de 40% à 70% de la faune existante (GIEC2, 2007) ; ce qui mettra en danger l’existence même de l’Homo sapiens sapiens. 

En effet, 75% de la production agricole mondiale est tributaire des insectes pollinisateurs, et plus particulièrement les abeilles (Greenpeace, 2016). En butinant les fleurs, les abeilles pollinisent au moins 80% des plantes, fournissant ainsi un service environnemental estimé à 153 milliards d’euros par an dans le monde (INRA3, 2013). Or, un effondrement des populations d’abeilles, domestiques et sauvages, est constaté dans le monde entier depuis une vingtaine d’années. Leur disparition définitive est prévue dans des années, quelques décennies tout au plus, si des dispositions urgentes ne sont pas prises. 

Le compte à rebours d’une série de catastrophes interdépendantes, et en cascade, est enclenché.

Agriculture, déforestation, surexploitation des espèces, réchauffement climatique, urbanisation tous azimuts, pollution, introduction d’espèces exotiques et envahissantes… Le lien est vite établi. 

Bourreau aujourd’hui, victime demain ! L’Homme vit une situation inédite de son Histoire. Il tient entre ses mains des solutions aux problèmes qu’il a causés, pour peu qu’il provoque le changement aujourd’hui. S’il maintient son rythme actuel, il aura des difficultés de plus en plus insurmontables à atteindre les Objectifs du Développement Durable et à assurer une conservation soutenable des ressources naturelles tel que souhaité par la vision 2050 de la Biodiversité (IPBES, 2019). Mais alors, que faire ? Des solutions sont-elles encore possibles ?

Au niveau international, plusieurs pistes ont été explorées par les experts. Elles clament, toutes des changements en profondeur, sur la base de solutions fondées sur la nature. L’utilisation rationnelle de l’énergie et des aliments destinés aux humains et aux animaux, l’utilisation durable de la biodiversité et la mise en œuvre de mesures d’adaptation et d’atténuation respectueuses de l’environnement face au changement climatique sont, entre autres, des solutions que nous pourrions déployer pour freiner le déclin de la biodiversité.

Par exemple, les mesures de préservation des espèces, des variétés et des races offriraient une meilleure capacité d’adaptation de la production alimentaire qui contribuerait à atteindre le deuxième Objectif du Développement durable : « Faim zéro ». 

Enfin, le changement en profondeur auquel l’humanité aspire ne pourrait se concrétiser que grâce à une mobilisation individuelle et collective mais surtout synergique entre toutes les parties prenantes dont la mission est de protéger la nature.

--------------------------
1 La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

2 Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

3 L’institut national de la recherche agronomique - France